Tous les premiers mercredi et samedi du mois à 12h30 à la Médiathèque Valery-Larbaud, un moment de détente pour écouter quelques œuvres d'un répertoire concocté avec passion. Entrée libre et gratuite : vous pouvez venir avec votre casse-croûte et le café est offert.
Retour sur les concerts du mercredi 3 et samedi 6 décembre : musique baroque avec Véronique Dubost, Sandra Langlois (violons) et Lucie Droy (épinette).
Arts de la convivialité par excellence (de "convivium", repas pris en commun), du partage et du don, musique et cuisine mobilisent des savoir-faire, des désirs et des plaisirs étonnamment proches, tant pour le musicien/cuisinier que pour l'auditeur/gourmet : une insatiable recherche d'excellence, le souci d'un plaisir des sens alliant perception, sensation et émotion, une synthèse du sensible et de l'intelligible travaillée par le souvenir et l'imagination, mêlant le plaisir de la reconnaissance au goût de l'inédit, une prédisposition à la jouissance de l'instant qui sait laisser la place à la surprise et se ménager des portes grandes ouvertes à tous les possibles. Aussi les musiciens sont-ils nombreux à avoir rendu hommage à leurs confrères des fourneaux.
C'est le cas de musiciens de l'ARFI (Association à la Recherche d'un Folklore Imaginaire) qui s'associent le temps d'un dialogue improvisé avec des chefs-cuisiniers lyonnais (voir le CD E'Guijecri "Festin d'oreille"). Ou encore du "Soufflé aux éclisses", rencontre aussi savoureuse qu'audacieuse du contrebassiste Claude Tchamitchian et du trompettiste Jean-Luc Cappozzo, dont les jeux de timbres et de textures sonores inédites évoquent par ses imprévisibles harmonies les raffinements et l'inventivité des chefs composant avec les saveurs (le disque, hautement recommandé, est disponible à la médiathèque).
A contrario, Matthew Herbert dans son très conceptuel projet musical "Plat du jour" dénonce les ravages de l'industrie alimentaire : cris de poulets de batterie, bruits de cannettes et d'emballages, d'ustensiles de cuisine et de mastication, sont samplés, hachés, et emboîtés en une mise en scène sonore qui se veut un implacable réquisitoire contre la malbouffe.
DE LA MUSIQUE COMME ART CULINAIRE
Dans "Musiques de Bali à Java, l'ordre et la fête", l'ethnomusicologue Catherine Basset écrit à propos de Sunda (Java ouest) : « A la clarté des ingrédients musicaux –mélodie, rythme- bien distincts aux différents pupitres, répond celle de la présentation des mets et des épices, intègres dans leur forme et leur saveur et offerts dans des plats différents ».
A l'opposé, à Bali : « Dans la cuisine rituelle, les divers ingrédients, tous cuits, sont hachés menus pour être amalgamés en bouillie compacte, tout comme les notes indissociables des formules rythmiques et mélodiques sont hachées et réassemblées dans le contrepoint entremêlé, pour donner une ligne sans trou dont le rythme a disparu. »
Cru ou cuit, découpe franche et clarté des lignes mélodiques d'un côté ou hachis et contrepoint serré de l'autre : cuisine et musique relèvent d'une même pensée d'organisation d'éléments divers. Au sein d'une culture, les règles implicites qui président à l'assemblage des sons et des ingrédients relèvent des mêmes conventions esthétiques, des mêmes critères d'ordre et d'harmonie.
Est-vous plutôt Java...
...ou Bali ?
Le modèle culinaire peut donc s'appliquer à la pratique musicale : ainsi les fricassées de la renaissance parisienne, comme leurs équivalents espagnols les ensaladas, relèvent du pot-pourri musical, libre jeu de confrontation et d'association d'ingrédients disparates (à partir de textes différents, de rythmes différents, de mélodies différentes).
« Et comme dans la salade, on met beaucoup d'herbes différentes, de la viande salée, du poisson, des olives, des fruits confits, des jaunes d'œuf, de la fleur de bourrache, et qu'un plat se compose d'une grande variété d'ingrédients, on a appelé salades [ensaladas] un type de chansons constituées de différents mètres, comme des fragments récupérés chez divers auteurs » (Trésor de la langue castillane ou espagnole, 1611)
Autre exemple avec le pianiste Dr John qui nous livre avec son album "Gumbo" une magnifique illustration du groove inimitable et immédiatement reconnaissable qui caractérise la musique néo-orléanaise, tous genres confondus (blues, soul, funk, rhythm'n'blues, jazz). Résultat de la fusion en un même creuset de traditions aussi riches que variées, ce métissage musical est à rapprocher du plat typique louisianais (du même nom), ragoût épicé de viande et de fruits de mer qui tient son origine dans la rencontre des traditions culinaires françaises, africaines et caraïbes. Musique ou cuisine, le procédé est le même : de la rencontre et du mélange du divers naît une irrésistible originalité.
DES ACCORDS...
Si untel préfère accorder l'opulence des vins de Bourgogne aux sonorités capiteuses du répertoire romantique, on s'imagine mal de notre côté aller écouter du flamenco sans avoir sous la main quelque blanc sec et âpre comme celui de Jerez -quoique la voix noire et incandescente de certains cantaores appellent plus quelque aguaforte (de celle dont se servait Goya pour graver ses Caprices et ses Tauromachies).
Il est vrai que pour ça les longs piments grillés au gros sel ne sont pas mal non plus.
Une chose est sûre, toutefois : les meilleures adresses de resto, incontestablement, c'est celles que des musiciens nous ont refilées.
On savait les cuisiniers écrivains-voyageurs lorsque du creux de l'assiette ils nous content des histoires d'épices ramenés des mers du Sud ou d'ailleurs inaccessibles, peintres brossant à nos palais des paysages champêtres parcourus de ruisseaux, de forêts à l'ombre fraîche et humide ou de rivages secoués d'embruns, ou encore sculpteurs jouant des textures et des saveurs comme d'autres domptent le métal et la pierre dure pour en tirer grâce, finesse, mouvement. Musiciens, curieusement, ils semblent plus rares.
Ces derniers, heureusement peu revanchards, savent pourtant souvent leur faire honneur et, à l'occasion, leur rendre hommage.
Rossini, compositeur qui nous a laissé quelques recettes fameuses, témoigne de cet art de la bonne chère dans tel "péché de vieillesse".
Rossini : "Quatre hors d’œuvre" extrait de Péchés de vieillesse (livre 4)
LA NOURRITURE EN MUSIQUE & EN CHANSONS
On peut distinguer, sans qu'ils s'excluent l'un l'autre, d'un côté le répertoire des musiques associées au contexte du repas (réjouissance amicale, fête ou rituel), et de l'autre celui dont la nourriture constitue le cœur du propos lui-même (célébrations du boire & du bien manger).
Nourrir les oreilles : les musiques de circonstances
Qu'on se le dise : il y a des musique de table ou de café comme il y a des musiques de chambre (la sonate baroque et classique), de salon (le lied romantique), de fumerie (le rébétiko) ou de bouge (le boogie, le jazz des origines).
Café cantantes (café-concert) et tabancos (cave-taverne) où se réunissent les grands cantaores du flamenco, pubs irlandais ouverts aux jam-sessions, chants polyphoniques de Gênes, de Sardaigne ou de Géorgie qui s'entonnent en fin de repas selon une tradition populaire pas encore tout à fait perdue : ce ne sont là que quelques exemples parmi d'autres d'une relation privilégiée entre les lieux et temps des agapes et ceux de la musique.
Quelques tours de tables : chanter, boire et manger à Jerez, Dublin, Gênes et Tbilissi
On ne se lasserait d'ailleurs pas d'un tour du monde des tables et des musiques : soirées du magyal yéménite ou l'on mâche les feuilles de qât en jouant de la musique et déclamant de la poésie, fêtes toy de Boukhara où se produisent les chanteurs de shash-maqâm
(la musique savante d'Asie centrale), noces et repas paysans animés par
les sonneurs, violoneux et autres joueurs de cornemuse, musiques dite
"de soie et de bambou" des amateurs de maisons de thé de Shanghaï,
prestigieux banquets vénitiens peints par Véronèse emplis du son des
violes et des cornets à bouquin (dans les "Noces de Cana" conservé au
Louvre, les musiciens sont au centre du tableau), la liste des étapes serait longue...
« La
musique est tellement liée à ces contextes que le public n'éprouve
guère le besoin de se rendre à des concerts pour écouter la même
musique, mais sans manger et sans boire » écrit Jean During à propos du shash-maqâm tadjik-ouzbek.
Rappelons également que c'est au café Zimmermann de Leipzig que, vers 1730, se produisait régulièrement Johann Sebastian Bach avec ses fils, élèves et musiciens du Collegium Musicum.
Malgré son titre, l'important volume de Tafelmusik (littéralement "musique de table") publié en 1733 par son confrère Georg Philipp Telemann est, plus qu'un répertoire spécifiquement destiné à accompagner les repas, un vaste recueil de musique de divertissement dans lequel l'amateur peut puiser des pièces variées comme pour composer un menu (à l'instar des "musical banquets" anglais). Cela ne dispense pas de l'écouter (ou, mieux encore, si l'on peut, de le jouer) entre amis après s'être plaisamment sustentés.
Concerto extrait de la "Tafelmusik" de Telemann
Les "Sinfonies pour les soupers du Roy" de Michel-Richard Delalande sont en revanche bien des musiques vouées à accompagner l'extraordinaire cérémonial du souper du roi Louis XIV mis en scène à Versailles. Laissant là la convivialité pour la pompe, elles font appel à une formation instrumentale nettement plus étoffée que celles d'amateurs se réjouissant entre eux.
Un rituel musical et politique : les soupers du Roy
Chanter la chère : quelques chansons "gastronomiques"
Hommage rituel à la nature et à ses fruits, chants chamaniques de remerciement aux esprits-animaux qui acceptent de nourrir les hommes, célébration de l'abondance et des délices de la chère, éloge du savoir-vivre et du partage, chansons aux sous-entendus grivois (l'appétit pour la nourriture et pour les choses de l'amour partageant un vocabulaire commun, et ceux-là préludant souvent à ceux-ci) : les occasions ne manquent pas de mettre en chansons les plaisirs de bouche.
On pourra donc sourire des chansons comiques et légumières d'un Dranem ou d'un Georges Milton, comparer les recettes en musique de Catherine Deneuve ou de Leonard Bernstein ("la bonne cuisine"), se souvenir que Bach a écrit une délicieuse "cantate du café" (BWV 211) tout en goûtant pour le dessert les sous-entendus d'une France Gall ou d'une Lio, et enfin juger de l'évolution du répertoire des chansons à boire à travers ses succès, du XVIème siècle à aujourd'hui.
Vos discothécaires se sont pris au jeu du morceau-que-l'on-emporterait-sur-une-île-déserte : le premier amour hip-hop, celui qui a marqué nos jeunes années en nous ouvrant les portes d'un nouveau monde musical, celui que l'on chérira au-delà des critiques, chef d'oeuvre indémodable ou titre vieilli presque inavouable, bref, celui qui à nos oreilles restera toujours LE tube.
(où l'on notera par ailleurs une nette préférence pour un rap plutôt laidback, tout en nonchalance...)
Si le hip-hop est une culture à part entière, il n'en est pas moins constitué de différents sous-genres, qui peuvent aller du jazz-rap au rap fusionné avec le métal. La diversité des styles ne s'applique toutefois pas seulement à la partie instrumentale, les MC's développant aussi leurs univers particuliers. Et certain-e-s ne se privent pas de plonger totalement dans la fiction...
Dans le monde du hip-hop, il existe ainsi un sous-genre bien particulier qui ne fait pas dans le raffinement : c'est l'"horrorcore rap", du hip-hop pour film d'horreur en quelque sorte. Rien d'incroyable du reste à cette fascination pour l'outre-tombe que l'on retrouve aussi dans le rock.
Amateurs-trices de films gores cette playlist est pour vous ! Âmes sensibles s'abstenir...
La pratique du graffiti est ancestrale et les archéologues en ont même découvert sur les murs de Pompéi ! Mais cet art connaît un véritable essor avec la naissance et la diffusion à travers le monde de la culture hip-hop.
Bien souvent les MC's sont eux-mêmes graffeurs et on retrouve dans ces deux disciplines la volonté d'affirmer son existence et son identité par la parole ou par l'écrit.
Nous vous proposons d’écouter quelques rappeurs qui, doublement armés d’un micro et d’une bombe de peinture, mettent en lumière cette activité de l’ombre.
Si les DJ du hip hop, toujours à la recherche de pépites pour leurs platines, ont largement puisé aux catalogues du jazz, les amateurs respectifs de ces répertoires distincts se sont longtemps largement ignorés –en Europe du moins. Et pourtant, depuis le "Doop bop song" de Miles Davis et le "Rock it" d'Herbie Hancock, nombreux sont les musiciens de jazz à avoir su prêter une oreille et, à l'occasion, à avoir fait une place à ces nouvelles sonorités.
Quand à la jeune génération représenté par un Soweto Kinch, aussi à l'aise un sax au bec qu'un micro en main, elle témoigne de ce que jazz et rap ne sont que des étiquettes, bonnes à jeter, renvoyant aux différentes modalités d'expression d'une même culture.
Le mouvement hip-hop apparaît au début des années 70 dans le South Bronx, quartier dévasté par les politiques urbanistiques et laissé à l’abandon par les pouvoirs publics, où vivent les populations les plus défavorisées, noirs et latinos.
Le hip-hop rassemble des formes d'expression variées : la musique bien sûr, mais aussi la danse et le graffiti. Musicalement, on attribue sa création à DJ Kool Herc, fils d’émigrés jamaïcains, qui, dès 1973, animait des soirées (les fameuses block party) grâce au soundsytem de son père. Son matériel était le plus puissant du South Bronx et les jeunes affluaient en nombre pour se délecter des basses puissantes que crachaient les amplis.
Or, à force d’expérience, Kool Herc remarqua que pour chaque morceau, il y avait un moment précis où les danseurs et les danseuses se déchainaient particulièrement sur la piste, c’était le break, ce passage où la section rythmique est mise en avant. Pour prolonger ce qui ne durait généralement que quelques secondes par morceau, Kool Herc décida d’acheter ses disques en double : lorsque le break se terminait sur une de ses platines, il le relançait au début sur l’autre, jusqu’à prolonger indéfiniment cette boucle -ou l'enchaîner à un autre break. Le DJing, base de la musique hip-hop, était né.
La scansion des MCs (masters of ceremony), héritiers des toasters jamaïcains et du spoken word des Last Poets, en mêlant parlé et chanté sur cette musique nouvelle, signent l'acte de naissance du rap.
Olivier Cachin, journaliste et animateur de télé (notamment avec l'émission RapLine sur M6 à partir de 1990), spécialisé dans les musiques noires et le hip-hop, était à la médiathèque le samedi 15 novembre pour nous conter l’histoire de ce mouvement, qui, de nos jours, s’est essaimé dans le monde entier et domine le marché de la musique.
Pour approfondir le sujet, quelques livres disponibles à la médiathèque...
...ainsi que quelques DVD :
En outre, tout au long de l'exposition qui se termine le 9 décembre, nous publierons des P'tites Playlists pour mettre en lumière (et surtout en musique !) tel ou tel aspect du mouvement hip-hop.
« J'suis tombé sur un vieux clip de Grandmaster Flash / Hey t'as vu c'type et sa dégaine de barge / Là j'étais scié c'type m'a fusillé » (Hocus Pocus)
Tandis que la Zulu Nation d'Afrika Bambaataa s'affirme comme alternative artistique à la violence dans les ghettos, avec le tournant des années 1980 le rap déboule sur les ondes : Sugarhill Gang et Grandmaster Flash signent les premiers hits, et le sorcier des claviers Herbie Hancock invite les scratchs de Grand Mixer DXT sur son tube "Rock it".
En dehors de l'influence
immédiate des toasters et DJ
jamaïcains soulignée par Bruno Blum*, le rap s'inscrit aussi dans la filiation du spoken word pratiqué dans les années 1970 par Gil Scott-Heron et les Last Poets, ainsi que des déclamations poétiques et politiques sur fond de gospel ou de free-jazz de Nikki Giovanni ou d'Amiri
Baraka (ex-Leroi Jones).
Mais la gouaille exemplaire du charismatique
Muhammed Ali (ex-Classius Clay), showman autant que boxeur, fait de celui-ci un véritable précurseur : ses saillies verbales et ses invectives
mêlant arrogance et sens communautaire, humour féroce et revendications
politiques et sociales, préfigurent dès les années 1960 l'attitude et la verve des futurs rappeurs. Authentique héros populaire, il reste jusqu'à aujourd'hui une référence incontournable de la culture afro-américaine.
Non, Born Bad n’est pas le nom d’un gang de motards-rockers de type hells angels, mais bien le nom du label français de rock indépendant le plus en vue du moment.
Créé et dirigé par Jean-Baptiste Guillot depuis 2006, le label s’est progressivement imposé dans le paysage musical, à la fois par son travail pointu de rééditions et de compilations d’artistes oublié-e-s, mais aussi par la découverte d'artistes de rock indépendant et de punk, principalement français.
Tout comme les mythiques labels New Rose (dont vous pouvez trouver une superbe compilation en vinyle à la médiathèque en cliquant ici) et Rough Trade, Guillot veut associer son label à un disquaire qui en serait la vitrine physique. Il contacte donc le magasin Born Bad qui sévit dans le garage-rock et le punk depuis 2002 dans le XIème arrondissement de Paris, et qui s'est déjà constitué un public d'aficionados : le gérant de la boutique est par ailleurs le batteur du groupe de post-punk Frustration, qui seront les premiers à enregistrer un album pour le label naissant.
Born Bad voit le jour dans un contexte économique plutôt difficile pour les labels indépendants (voir notre chronique sur Makasound Records) ; les ventes de disques sont en chute libre et la musique en ligne, quand elle n'est pas simplement piratée, génère très peu de revenus pour les artistes et leurs producteurs.
De plus, J.B. Guillot choisit de se focaliser sur le garage-rock et le punk, genres musicaux qu'on aurait pu croire tombés en désuétude. Comme si cela ne suffisait pas, il choisit de les éditer principalement en vinyle.
Au final, la réussite du label repose justement sur ces choix à contre-courant qui bousculent le conformisme des majors, et attirent un public au départ peu nombreux, mais extrêmement fidèle.
Il faut tout de même nuancer quelque peu cette réussite sur le plan économique, car Born Bad n'emploie qu'un seul salarié, qui n'est autre que son créateur et directeur J.B. Guillot (et encore s'en tire-t-il avec à peine plus que le SMIC). Il prend ainsi lui-même en charge la quasi-intégralité des fonctions, de la relation avec ses groupes à l’ensemble de la supervision de la chaîne : fabrication, envoi des commandes de disques, contrats, rémunération des artistes, booking de leurs concerts quand ils n’ont pas encore d’agent, etc. Activités auxquelles il a ajouté la gestion du pressage de vinyles pour une cinquantaine d'autres labels indépendants.
Certes J.B. Guillot marche toujours sur des œufs, restant à la merci du premier échec commercial, mais son flair musical devrait l'en prémunir car c'est bien sur le plan artistique que le label rencontre le succès.
J.B. Guillot allie à la fois une connaissance quasi "archéologique" de la musique en publiant des compilations très pointues (il est capable d'exhumer une bande originale de film érotique rarissime, retrouvée dans une décharge : "Le mariage collectif"), et une large ouverture d'esprit quand, par exemple, il décide de rééditer Francis Bebey, pionnier africain de la musique électronique dans les années 1970.
Plutôt spécialiste de la mouvance punk et post-punk française, illustrée par des compilations comme "Bippp : french synth-wave 1979-85" ou "Paink : french punk anthems 1977-1982", il ne s'interdit pas pour autant une incursion dans d'autres styles, comme par exemple le free-jazz avec "Mobilisation générale : protest and spirit jazz from France 1970-1976". Et si on cherche un fil rouge qui puisse lier ces productions d'un genre très différent, vous l'entendrez gronder sous l'étiquette du label Born Bad, pour chanter la révolte et transgresser les codes.
Ces caractéristiques collent bien au groupe Cheveu, composé de trois hurluberlus bordelais, étalons de l'écurie Born Bad, qui martèlent batteries et claviers tout en vociférant leur folie. En live, c'est une tuerie... A défaut de les croiser ici, vous pouvez toujours emprunter leurs albums (le premier et le troisième) disponibles à la médiathèque.
Détartrage auditif garanti !
Les albums de Born Bad Records à médiathèque :
(cliquez sur une pochette pour accéder à la notice du catalogue)
Jetons une oreille sur… : Les Olivensteins
Cultissime, introuvable jusqu'à peu (merci Born Bad), voilà réédité –et augmenté de démos et d'enregistrements live- le seul et unique 45 tours des Olivensteins.
Ce vrai groupe punk est originaire de Rouen, haut lieu du rock'n'roll en cette fin de décennie seventies, avec notamment la boutique de disques Mélodies Massacre tenue par Lionel Herrmani. Y traînent les membres des Dogs, rare groupe à rallumer la flamme dans le paysage musical français de l'époque, et tous ceux qui cherchent alors à troquer leur ennui contre l'urgence du rock, à l'instar des frères Tandy : Eric travaille au magasin et fait le parolier pour son frère Gilles qui chante au sein des Olivensteins. On ne soulignera jamais assez l'importance des disquaires dans l'histoire de la musique...
Le groupe se monte de bric et de broc en avril 1978, donnant dans la foulée quelques concerts épiques. Dès l'année suivante il réussit à enregistrer une poignée de titres brûlants qui deviennent aussitôt des hymnes provocateurs ("Fier de ne rien faire", "Euthanasie"), quitte à en rajouter une couche ("Patrick Henry est innocent") avant d'aborder le passage du cap de la tournée nationale et du premier vrai album. Mais le fameux psychiatre spécialiste des toxicomanes à qui les Olivensteins doivent leur nom apprécie si peu la plaisanterie qu'il cherchera à empêcher l'utilisation de son patronyme et à interdire leur concert au Palace à Paris en décembre 1979 (où ils doivent se produire en première partie de Stiff Little Fingers, grand groupe de la vague punk britannique). Renoncer à leur nom ou à la perspective d'une carrière ? En bon esprit punk, le groupe décide de se saborder.
Fin de l'histoire, début de la légende.
Encore plus de Born Bad !!!! (mise à jour au printemps 2017)
Quand on vous dit que ce label est incontournable ! Depuis la rédaction de cette chronique, les bacs de la médiathèque se sont enrichis de nombreuses autres parutions "made by J.B. Guillot" et toujours suivant la même ligne directrice, à savoir « défendre l'underground rock, une certaine idée de la radicalisation, de l'auto-organisation ». Les poulains du label grandissent (Frustration, solides vétérans, les féroces JC Satan, la rencontre explosive et féconde de Cheveu avec les mauritaniens de Group Doueh) tandis que les rééditions révèlent d'improbables parias du rock'n'roll (l'inénarrable El' Blaszcyk !), des curiosités eighties (la compilation "France Chébran"), des pépites électroniques de l'outre-espace hexagonal (les deux volumes de "Space oddities") ou réécrivent la face cachée et underground des années yéyés (les trois volumes "Wizzz !").