Le développement exponentiel de la musique en accès libre et gratuit sur Internet nous donnerait presque l'impression qu'il n'y a plus besoin d'intermédiaire entre la musique d'un artiste et son public.
Si l'on est en droit de douter de l'utilité des majors, dont la principale préoccupation est la rentabilité financière, c’est en grande partie l’audace de certains labels indépendants qui nous permettent de découvrir de jeunes artistes ou des artistes moins "commerciaux", en produisant leurs albums sans savoir avec certitude s’ils rentreront dans leurs frais.
Makasound, label indépendant français, spécialisé dans le reggae roots, se classe tout à fait dans cette catégorie.
Suite à un voyage à Kingston, Nicolas Maslowski essaie de diffuser le premier disque d'un chanteur de reggae à l'époque encore inconnu : Winston "Electric dread" McAnuff. Devant le refus des labels et distributeurs, Nicolas crée alors sa propre structure Makasound (en patois jamaïcain "maka" signifie épineux, piquant), et en 2002 sort le premier album de Winston « Diary of the silent years », compilation de ses morceaux enregistrés entre 1977 et 2000. Et quand on voit la qualité et le succès de son dernier album en duo avec Fixi (accordéoniste du groupe Java), sorti en 2013 et intitulé « A new day », on se dit qu’il eut été bien dommage qu’il en fut autrement. Malheureusement, au début de l'année 2011, le label met la clé sous la porte. Ce dernier, malgré la qualité de ses productions, n'aura pas survécu à l'effondrement des ventes de disques, et à l'absence de modèle économique viable pour la musique en ligne, à même de rétribuer justement les artistes et leurs producteurs. Néanmoins, ce label nous aura permis de replonger dans les racines encore bien vivantes du reggae, à une époque où les majors se contentaient (et se contentent toujours) de produire des artistes ragga et dancehall "bankable".
Pour plus de clarté, Makasound se subdivise en 4 collections (les albums présentés sont disponibles dans les bacs de la médiathèque, cliquez sur une pochette pour accéder à la notice du catalogue):
- « Makasound » se concentre sur l’édition ou la réédition d’albums de reggae roots injustement tombés dans l’oubli.
- « Makafresh » regroupe les nouveaux albums d’artistes de Jamaïque et d'ailleurs.
- « Black Eye », c'est la branche expérimentale de Makasound, avec des artistes que l'on peut certes ranger sous l'étiquette "reggae" mais qui puisent aussi ailleurs leur inspiration, ou des rencontres entre artistes venus d'univers musicaux différents.
- Enfin, créé avec la complicité du guitariste de renom Earl "Chinna" Smith, la série « Inna de Yard » présente des chansons telles qu'elles sont nées en toute simplicité dans les yards, les back yards, c'est-à-dire les arrières-cours, "à la maison". Une voix, une guitare, parfois des percussions nyahbingi, parfois des chœurs, au gré des vibrations. C'est un retour aux racines populaires et conviviales du reggae.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car un an seulement après la faillite de Makasound, Nicolas Maslowski et son acolyte Romain Germa reviennent dans les affaires, en montant un nouveau label indépendant au nom évocateur, Chapter Two Records, qui conserve la même ligne directrice que Makasound, et nous fait toujours découvrir de nouveaux artistes talentueux. Dernier en date, le groupe français Zoufris Maracas, repéré dans les couloirs du métro et qui séduit les deux compères par ses textes engagés et ses rythmes tropicaux. En 2012, ils éditent leur premier album « Prison Dorée » : à écouter absolument !