Qui l'eût cru ? Oubliées ses banques, ses rues propres, ses horloges, ou même son chocolat : la Suisse est désormais pour nous le pays du rock'n'roll, grâce au label Voodoo Rhythm. Sur Voodoo Rhythm, maison fondée en 1992, on trouve du cajun de garage, de la country punkoïde, du blues-core et du gospel-trash, du rockabilly de bastringue agrémenté de fanfares bancales : tout un folklore alimenté d'une bonne dose de bruit et de fureur, d'une louche de mauvais goût et d'un généreux zeste d'humour aussi noir que largement provocateur. Soit une belle brochette de doux dingues qui puisent avec ferveur à la veine du rock'n'roll le plus primitif. Au sein de cette horde sauvage on distinguera également un certain nombre de one-man bands -ou comment, guitare en main et couple grosse caisse/charleston aux pieds, faire autant de vacarme à soi tout seul qu'avec une bande de copains. Petit panorama à travers quelques disques disponibles à la médiathèque... |
Le label est toujours tenu de main de maître par son fondateur Beat Zeller (alias Reverend Beat-Man), grand amateur de catch et de blues devant l’Éternel et sur qui l'esprit du punk plane haut : « On ne sait pas jouer, on ne sait pas chanter, on ne sait rien faire (…) On ne répète jamais, c'est vraiment cool : nos concerts sont complètements bordéliques ! » (à propos de son groupe Die Zorros).
Mais attention ! Derrière une indécrottable fidélité aux principes fondamentaux du "do it yourself" se cache en réalité un bricolage de maniaque : aussi enthousiaste qu'exigeant, notre révérend préféré supervise lui-même la production des disques de A à Z, de la qualité du mastering (Voodoo Rhythm édite en CD et en vinyle) jusqu'au visuel des albums, avouant pouvoir être « vraiment très chiant » sur toutes ces questions avec les musiciens. « Je veux obtenir un disque qui déchire tout : tu le mets sur la platine et tout-à-coup tu es transporté ailleurs ».
Rev. Beat-Man en paroles et en actes : « This is not kid music ! »
Cette passion s'accommode parfois difficilement des règles en cours dans l'économie de la musique : « Je tiens un petit label, comme plein d’autres, et il y a les droits d’auteurs : la Sacem, Suisa… Mais je leur versais tellement d’argent – alors que les groupes ne touchaient rien – que j’en ai eu marre et j’ai arrêté de les payer ; je préférais donner l’argent directement aux groupes… »
Solution qui, on s'en doute, n'a que moyennement plu aux sociétés de gestion de droits d'auteur en question.
« Alors j’ai été poursuivi en justice pour 50, 60 millions de dollars, et je ne pouvais pas payer ! J’ai lancé un appel sur Internet : "À l’aide, Voodoo Rhythm Records est menacé de fermeture !" Et des gens, de partout sur la planète, m’ont envoyé de l’argent, ont organisé des concerts dont les bénéfices étaient reversés à Voodoo Rhythm, et au final j’ai pu payer ! C’était dingue. Quand on tient un label, et qu’on est chez soi, devant son écran d’ordinateur, on ne se rend pas compte du nombre de contacts que l’on crée avec les gens qui achètent nos disques. »
Avec l'écurie Voodoo Rhythm, le rock'n'roll a donc encore de beaux jours devant lui. Gage de qualité, toute cette clique est régulièrement invitée au hautement recommandable Binic Folk Blues Festival qui se tient chaque été sur la côte bretonne.
Rendez-vous le premier week-end d'août.
Rendez-vous le premier week-end d'août.