Depuis une dizaine d'années, la production et la diffusion musicale connaissent d'importants bouleversements, notamment la réduction progressive de la diffusion en support physique (CD) au profit de la diffusion en ligne (sur Internet).
Ainsi, pour les mélomanes assoiffés de découvertes musicales, Internet est devenu un outil indispensable. Beaucoup de musiques ne sont d'ailleurs disponibles que sur la toile, que ce soient de vieux albums qui n'ont jamais été réédités ou bien l'œuvre de jeunes talents qui n'ont pas eu les moyens ou l'envie de presser un disque.
A la médiathèque, notre mission (si vous l'acceptez) est de vous faire découvrir les musiques les plus variées par tous les moyens nécessaires.
Alors inaugurons cette nouvelle rubrique sur nos trouvailles musicales en ligne avec un focus sur le mouvement électro sud-africain !
Avec la fin de l'apartheid en 1990, la jeunesse noire sud-africaine gagne en liberté et c'est au même moment que la house music déferle sur le monde entier. Apparue aux Etats-Unis au milieu des années 80, elle est le fruit de la démocratisation technologique et de la créativité musicale des ghettos noirs-américains. La house débarque à la toute fin de la vague disco et s'en inspire donc fortement sans s'y limiter puisque la technique du sample permet de piocher des sonorités dans n'importe quel genre musical. On reste néanmoins sur une musique de dancefloors.
Tous les éléments étaient donc réunis pour que celle-ci fasse un carton en Afrique du Sud et plus particulièrement dans les townships (quartiers pauvres et sous-équipés qui ont été réservés aux non-blancs) et le plus grand d'entre eux : Soweto.
Certains DJ sud-africains arrivent à se procurer des vinyles house importés directement de Chicago et enflamment les terrains vagues du township, avant de se mettre peu à peu à produire leurs propres sons.
Les townships sud-africains développent donc leurs propres sous-genres de musique house : le kwaito puis plus tard le Shangaan electro.
Si la scène électro sud-africaine est très vivante depuis le début des années 90, le public européen n'en prend connaissance que récemment grâce à un tube qui a envahi les dancefloors européens : "Township funk" de DJ Mujava édité en 2008 sur le label anglais Warp Records.
En outre, la scène électro underground s'est aussi fait connaître en Europe grâce au travail du label français Jarring Effects (dont nous parlerons plus en détails à l'occasion d'une future chronique) qui a édité en partenariat avec le label sud-africain African Dope deux compilations électro/hip-hop : "Cape Town Beats" en 2007 et "Cape Town effects" en 2013, que vous pouvez trouver dans nos bacs en cliquant sur les pochettes ci-dessous.
Sa musique est un mix des influences les plus variées : musique traditionnelle et hip-hop, rock et électro. Mélange déroutant à la première écoute mais qui révèle toute sa richesse à l'auditeur patient.
C'est à l'occasion de son passage à Clermont-Ferrand il y a quelques mois pour un DJ-set que Spoek Mathambo nous a fait part d'une sélection comprenant à la fois les titres les plus emblématiques du mouvement électro sud-africain, mais aussi de ses titres préférés, avec lesquels il enflamme les dancefloors. Nous vous livrons sa playlist ci-dessous.
Utilisant sa notoriété désormais internationale pour faire découvrir les musiques actuelles des townships et le contexte de leur création, Spoeck a récemment troqué le micro et les platines contre une caméra. A travers le documentaire "Future Sound of Mzansi", il passe en revue une multitude de sous-genres musicaux souvent liés à une région ou une ville, en interviewant les principaux acteurs de ces mouvements.
La vidéo en trois parties, que vous retrouvez ci dessous, est en accès libre, mais n'est malheureusement sous-titrée qu'en anglais.
Pour conclure cette chronique, je vous propose une dernière playlist : sept artistes sud-africains pour près de six heures d'électro sud-africaine, dans le cadre de la "Boiler Room". Ce projet londonien lancé en 2010 connaît un très grand succès. Le concept : des DJ sont invités à mixer dans une petite salle et leur performance est retransmise en direct sur Internet puis publiée sur Youtube. Ces mix sont très appréciés du public, car les DJ sont avant tout des artistes live, qui n'hésitent pas à emprunter et transformer leurs titres et ceux des autres lors de leurs concerts. On est d'ailleurs souvent surpris du décalage entre leurs propres disques et leurs performances.
Il y a quelques mois, la Boiler Room a donc fait escale en Afrique du Sud et a invité la fine fleur des DJ locaux, dénotant un engouement de plus en plus grand pour le "Future Sound of Mzansi".