A l'écoute du disque, la voix grave, un peu solennelle, évoque irrésistiblement Nico -sans la même raideur toutefois et avec une ombre de fragilité qui nous rend sa présence plus intime, moins hautaine- tandis que les arrangements qui ceignent d'un halo chatoyant le jeu en picking de la guitare ne dépareilleraient pas chez Nick Drake. Voilà pour le jeu des ressemblances. Pour le reste, une tonalité singulière, toute de douceur et de mélancolie, se dégage de ces deux splendides albums d'une illustre (et presque) inconnue, réédités en un seul CD. C'est une grosse moitié de la carrière de Bridget St John, timide icône folk britannique qui aura brillé par sa discrétion discographique. Guitariste autodidacte éprise de poésie, Bridget St John chante sur son campus lorsqu'elle est découverte par l'incontournable John Peel qui la programme dans son émission radio à la BBC. Celui-ci profite de la rencontre pour fonder le label Dandelion. Elle y enregistre sous sa houlette "Ask me no questions" en 1969 : bel album de folk bucolique et intimiste bouclé en deux soirées en compagnie de quelques amis bien choisis, dont le guitariste John Martyn. Bridget St John y affiche d'emblée sa maturité et s’affirme comme une voix à part dans le paysage musical de l’époque. L'album suivant "Song for the gentle man" (1971) vient confirmer et renforcer cette originalité. Produit par un Ron Geesin qui sort de l'arrangement d'Atom Heart Mother des Pink Floyd, le mariage pouvait s'annoncer difficile entre expérimentations psychédéliques et dépouillement pastoral. Si au départ Bridget St John rechigne un peu sur le traitement qu'il fait subir à sa chanson "Seagull Sunday" (elle trouve l'introduction "trop grinçante"), Geesin sait se mettre à l'écoute de la belle et, se faisant plus discret, à coups de petites touches mordorées (cordes, harmonium, célesta), nimbe ses compositions de teintes automnales. Au final, le disque est un authentique chef-d'œuvre. Ce sont ces deux premiers albums –les meilleurs- que vous trouverez réunis à la médiathèque dans la réédition de See For Miles Records. |
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Le "Thank you for…" de 1972 est plus conventionnel et un poil moins inspiré au niveau des compositions (l'album contient d'ailleurs plusieurs reprises) mais reste fort honnête et connaît d'ailleurs un beau succès en Grande-Bretagne. Bridget St John sort encore "Jumblequeen" en 1974, lorgnant vers le folk-rock, avant de déménager à New York en 1976. Elle s'installe à Greenwich Village et disparait de la circulation. Les fans comptent ses rares et lumineuses apparitions chez Mike Oldfield ou Kevin Ayers -l’amitié venant confirmer un goût musical très sûr. Surprise au tournant des années 2000 : Bridget St John reviendra pousser la chansonnette le temps d'une courte tournée, comme en passant. Avant de s'effacer à nouveau. Reste une petite poignée de chansons cultes qui nous hantent, à l'image de ce "The lady and the gentle man" où elle s'accompagne seule à l'harmonium. A écouter aussi, puisque l'on a parlé d'eux... : |
Le chant oublié de Bridget St John
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