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Le hip-hop est un genre encore tout jeune du point de vue de l'histoire musicale. Apparu à la fin des années 1970, il se développe dans les ghettos noirs et latinos des mégapoles américaines avant de se répandre dans le monde entier. Avec l'évolution des techniques de beatmaking (production musicale assistée par ordinateur) et la présence de plus en plus récurrente de "vrais" instrumentistes, le hip-hop a beaucoup évolué : parti du sample, extrait musical joué en boucle auquel on superpose un "boom-bap" simpliste, on voit sortir aujourd'hui des albums aux parties instrumentales plus complexes et plus variées.
Ainsi, le mouvement Hip-Hop a déjà son histoire et ses classiques, une "vieille école" (old school) que certains opposent à la "nouvelle", querelle artistique rappelant celle des Anciens et des Modernes du 17ème siècle.
Ce sont justement ces classiques que nous vous proposons de découvrir ou de redécouvrir aujourd'hui avec cette vingtaine de disques réalisés entre 1986 ("Raising Hell" de RUN-DMC) et 2002 ("Lord willin'" de Clipse). Nos usagers les plus avertis remarqueront que certains se trouvaient déjà dans les bacs de la médiathèque depuis longtemps, mais une bonne moitié se faisait remarquer par leur absence.
Bien entendu, cette sélection est subjective et on peut légitimement émettre quelques critiques. En effet, il est étonnant que des albums comme "Doggystyle" de Snoop Dogg, "All eyez on me" de 2PAC, "Chronic 2001" de Dr Dre, "Illmatic" de Nas, ou le moins connu mais excellent premier album de Common ("Resurrection"), n'y figurent pas. De même, on peut être surpris par la sélection de l'album de Clipse "Lord willin'" qui ne semble pas avoir marqué l'histoire du hip-hop. Mais la présence de Pharrell Williams (couronné de succès en ce moment avec ses singles "Get Lucky" et "Happy"), aux manettes de toute la production de l'album, n'y est sans doute pas pour rien...
Ce coffret rassemble néanmoins quelques pépites. Nous en avons sélectionné cinq qui ont particulièrement retenu notre attention.
-"A musical massacre", The Beatnuts (1999) : les spécialistes feront remarquer que ce n'est certes pas leur meilleur album, mais comment passer à côté de ce groupe, fer de lance du hip-hop américano-hispanique ? Sans le savoir, vous avez déjà entendu leur mélodie dans le single de Jennifer Lopez "Jenny from the block", matraqué à la radio aux débuts des années 2000. Un album qui regorge de samples ultra-efficaces et de featurings de grande classe avec Common, Dead Prez et Biz Markie.
-"Warriorz", M.O.P. (2000) : cet album va vous rendre fou. Entièrement produit par la légende du hip-hop DJ Premier, vous ne pourrez pas résister aux deux tubes "Ante up" et "Cold as ice" portés par les flows agressifs et graves des deux MC's de New-York.
-"Return of the Boom Bap", KRS-ONE (1993) : pionnier du rap américain et en particulier du rap dit "conscient", il a étudié l'histoire et la philosophie et ses textes en sont le reflet. Son surnom est d'ailleurs un acronyme pour "Knowledge Reigns Supreme Over Nearly Everyone" (la connaissance règne en maître sur presque tout le monde). Pour son premier album solo, on retrouve DJ Premier aux manettes. A noter que son titre "Sound of Da Police" est aussi sur la bande originale du film "Ma 6-T va crack-er".
-"Soul Survivor", Pete Rock (1998) : un album d'exception et pourtant loin d'être le plus connu. Pete Rock peut être considéré comme une légende du hip-hop US au même titre que DJ Premier. Il débute sa carrière de DJ/producteur à la fin des années 80 et forme longtemps avec le rappeur C.L. Smooth un duo d'exception. Son style soul et jazzy est caractéristique du rap "East Coast". Sur ce premier album solo, en plus de réaliser toutes les parties instrumentales, Pete Rock pose quelques couplets aux côtés de ses 27 invités, dont Method Man, Large Professor, Black Thought, Big Punisher, Common…
-"Lifestylez ov da poor & dangerous", Big L (1995) : autant vous le dire tout de suite, lourd, sombre et dangereusement homogène, cet album n’est pas fait pour toutes les oreilles. A sa sortie, il reçut de très bonnes critiques, mais n'eut jamais le succès qu'il méritait, sans doute trop underground pour le grand public et trop hardcore pour les radios. Ce premier album de Big L est surtout remarquable pour son flow technique ponctué d'accélérations maîtrisées. A noter que c'est aussi la première fois qu'on entend le rappeur star Jay-Z sur un album. Malheureusement, la carrière de Big L s'achève brutalement en 1999, assassiné de neuf balles dans une rue de son quartier de Harlem. DJ Premier lui rend hommage en introduction de la chanson "Full Clip" du groupe Gang Starr, qu'il forme avec le rappeur Guru (autre groupe mythique du rap américain dont vous pouvez trouver une compilation dans les bacs de la médiathèque).
Pour terminer cette chronique un peu longue, si vous n'êtes pas encore rassasié et que vous voulez pousser plus loin la découverte des classiques du hip-hop, genre musical prolifique, nous vous encourageons à venir nous demander conseil car c’est toujours un plaisir pour nous de partager nos connaissances et nos coups de cœur. Sinon, vous pouvez aussi emprunter le très documenté livre de Sylvain Bertot « Rap, Hip-Hop : 30 années en 150 albums, de Kurtis Blow à Odd Future ».